La plupart des pratiquants de la foulée médio-pied, telle que je la recommande dans mon livre, ont pu constater un effet direct sur la réduction et la disparition des douleurs dans leurs mollets.
Pourquoi cela ? Comme toujours en matière de biomécanique, et compte tenu des caractéristiques anatomiques qui diffèrent souvent grandement d’un coureur à l’autre (notamment en matière de souplesse, de force et d’antécédents de blessures), il est difficile d’affirmer des certitudes universelles. Avec le recul de plusieurs années de mise en pratique de ces conseils, on peut toutefois avancer deux arguments objectifs qui expliqueraient pourquoi la biomécanique de la foulée Light Feet Running réduit voire supprime les soucis de mollet.
J’ai déjà évoqué la première dans mon blog : elle a trait au fait qu’en foulée LFR, il ne faut pas chercher à éviter l’appui talon: au contraire, il faut permettre au talon de se poser au sol après un premier contact plus sur le médio du pied. Ainsi, le mollet n’a pas à être contracté pour justement éviter de toucher le sol avec le talon comme cherche à le faire trop souvent bon nombre de débutants en médio-pied (dans une sorte de foulée « ballerine » trop forcée sur la pointe des pieds).
La seconde, qui est à mon avis tout aussi importante, concerne la sollicitation de la hanche. L’une des recommandations principales que je donne pour la mise en pratique de la foulée du livre consiste à apprendre à bien solliciter l’articulation de la hanche et mettre en jeu pour cela les muscles fessiers et les ischio-jambiers. Or, dès lors que vous allez mobiliser vos fessiers et ischio-jambiers pour vous propulser, naturellement le travail des mollets sera alors largement moindre. En faisant remonter le moteur de votre foulée vers le bassin (ce qui va vous obliger à utiliser l’articulation de votre hanche, vos muscles fessiers (gluteus maximus), les muscles postérieurs de la cuisse et vos abdominaux), vous allez pouvoir beaucoup plus relâcher vos mollets et ils vous en seront grandement reconnaissants.
Dès lors que vous saurez bien utiliser votre hanche, vous serez sur la bonne voie pour arrêter vos éventuelles douleurs aux mollets.
On lit beaucoup de commentaires de personnes qui se mettent sur l’avant pied et qui se plaignent très vite d’un manque d’endurance de leurs mollets qui les limitent énormément dans leur progression. Si on vient d’une foulée coureur marcheur, le plus généralement, on ne sait pas utiliser l’extension de sa hanche et assez peu ses fessiers. Si on se met sur l’avant pied, on va donc avoir tendance à utiliser les mollets pour se propulser (au lieu des fessiers (ou des quadriceps pour le vrai coureur marcheur). C’est l’une des explications pour laquelle les mollets se fatiguent. Les mollets ne sont pas des muscles très endurants (au contraire des fessiers).
Donc il est important de combiner un passage sur le médio pied avec le fait de faire « remonter le moteur » de la foulée plus haut (au niveau du bassin). Ainsi vous reposerez beaucoup plus vos mollets.
C’est un point qui n’est pas (suffisamment ?) abordé je trouve dans la littérature sur le minimalisme. C’est aussi un problème pour le barefoot car il est tout de même plus facile de se concentrer sur le travail de sa hanche en chaussure que pieds nus. Si on limite trop le contact au sol avec le talon (comme on le fait souvent quand on se met à courir pieds nus), on aura énormément de mal à développer le travail des fessiers. Ainsi, dans le fameux Kiss & Lift (cher à Jason Robillard ou à Pose Method) on ne cherche pas ce travail du fessier. Je pense que c’est une vraie faille. Ce travail du fessiers est reconnu et souligné par énormément de spécialistes maintenant comme étant un élément fondamental dans la foulée. Inversement si on possède déjà une bonne technique du bassin, le passage pieds nus sera plus efficace.
Cette explication du rôle des fessiers pour soulager les mollets est très clairement mentionnée dans l’ouvrage du Dr Jay Dicharry – « Anatomy for runners ». Ainsi il est écrit: « Imaginons un coureur qui n’utilise pas la force de ses fessiers. Courir à une certaine vitesse requiert un certain niveau de force. Les fesses sont l’un des acteurs principaux pour permettre l’extension de la hanche, mais si vous ne les utilisez pas, la force doit provenir d’un autre endroit. Un de ces autres endroits est le mollet. J’ai vu beaucoup de coureurs avec des problèmes chroniques de talon d’Achille mais qui n’avaient pas de gros problèmes de stabilité du pied ou de la cheville. Leur problème se situait plus haut dans la chaîne. Parce qu’ils n’arrivaient pas à stocker et relâcher l’énergie grâce à leurs hanches, leur mollet était forcé de beaucoup trop travailler par rapport à ce qu’il peut réellement apporter. Aucun travail de stretching, musculation ou renforcement de la cheville ne peut résoudre ce problème ». (traduction libre de l’auteur).
Donc si on vous explique que votre soucis de mollets passera à force d’habitude, pensez à mieux utiliser vos fessiers et ces problèmes devraient se résoudre bien plus rapidement.
Bonne course !
NDLA : Pour ceux qui n’ont pas lu mon livre, je tiens à préciser que j’utilise l’appellation ésotérique « Foulée Courir léger – Light Feet Running » (ou « LFR ») pour désigner l’ensemble des caractéristiques biomécaniques qu’implique cette foulée : ces caractéristiques sont présentes chez l’immense majorité des cas de foulées médio-pied les plus zélés et efficaces que j’ai pu étudier et ont été validés par la pratique de cette foulée. Cette foulée va bien au delà de la simple pose de pied mais implique une posture et des actions mécaniques impliquant le corps de son entier. La pose du pied n’est que la conséquence de la biomécanique globale du coureur; elle n’en est pas le guide.